Par Thomas Petit 2012
Thomas Petit |
Gandrange, Continental,
Fralib, AirFrance… les plans sociaux annoncés s’accumulent avec toute la
détresse pour les femmes et hommes concernés.
Encore
une fois, la mauvaise gestion des responsables sera payée par les soutiers, les
petites mains, celles et ceux qui ont parfois un contrat dit à durée
indéterminée mais qui en fait voient cette durée se terminer.
Encore une fois, les
promesses de sécurité permise par une répartition des rôles entre preneurs de
risques et salariés sont piétinées, la variable d’ajustement étant au final
supportée par les travailleurs plutôt que par les dirigeants et apporteurs de
capitaux.
Mais plus encore, nous
revoyons des entreprises réduites à la seule propriété des apporteurs de
capitaux financiers qui se donnent le droit de partir avec le matériel mais
aussi la marque et même parfois un veto sur une reprise de l’activité par les
salariés qui croient encore dans leur capacité à valoriser leur métier, leur
produit, sur les marchés.
Or c’est là que nous
avons une révolution à opérer. Une révolution au sens pratique du terme
puisqu’il s’agit de changer de point de vue, de culture.
En effet, l’histoire de
notre société économique est presque en totalité résumée par la relation de
personnes qui possèdent et « permettent » aux autres de travailler.
Ceci leur donne un droit dit de subordination qui a pu aller jusqu’à un droit
sur la vie.
Mais pourquoi donne-t-on
ce droit à ces personnes qui n’ont d’autre mérite bien souvent que d’avoir
hérité d’un bien (notamment la monnaie) qui est nécessaire pour produire ?
Qu’ils profitent en
partie du fait qu’ils prêtent ce bien aux autres est une chose, qu’ils
acquièrent sur les travailleurs un pouvoir excessif en est une autre.
Il faut ici comprendre
que l’entreprise n’est pas composée que d’un capital humain apporté par les
travailleurs et un capital physique apporté des propriétaires, mais aussi d’un
capital immatériel, accumulation de l’histoire de cette activité, actif
immobilier né de ce rapprochement entre 2 flux, entre 2 apports.
Ce capital immatériel
est l’essence même de ce qui fait la pérennité d’une entreprise.
Le problème, c’est
qu’actuellement ce capital immatériel est entièrement la propriété de ceux qui
apportent le capital physique. Ainsi, quand MITTAL part de GANDRANGE, non seulement
il veut prendre le matériel mais en plus il ne veut pas autoriser les salariés
à reprendre le nom de l’entreprise et l’activité telle qu’elle se faisait.
Bien sûr, il est
difficile de continuer l’activité sans ce matériel et nous y reviendrons.
Mais déjà il est clair
qu’il y a un problème : pourquoi
la gestion de l’entreprise, qui est d’abord ce capital immatériel, est
entièrement présidée par ceux qui n’apportent que le capital physique ?
Pourquoi ceux qui apportent le capital humain n’acquièrent-ils pas dans le
temps les mêmes droits sur le capital immatériel ?
Il n’y a aucune raison
philosophique logique. Il n’y a pas de sens autre que la capacité de certains à
imposer ce point de vue aux autres.
Dès lors, il est
légitime de changer d’optique et d’imposer que les travailleurs puissent avoir
un droit de contrôle des décisions de l’entreprise au même titre que les
actionnaires.
Dès lors, il est
légitime que les outils de production qui ont été créés par l’histoire de
l’entreprise (sa renommée, son étendue, ses réseaux, …) soient une propriété
commune qui ne peut partir sans un dédommagement de l’un à l’autre.
Dès lors, il doit
devenir impensable que des actionnaires délocalisent une activité sans
dédommager en plus du salaire, la communauté à laquelle les travailleurs
appartiennent et qui a permis la continuité et donc l’accumulation de
compétences et de techniques qui ont fait le succès de l’entreprise.
Dès lors, il doit être
possible de laisser partir les actionnaires avec leurs actions voire avec des
machines, mais de les forcer à laisser le nom de l’entreprise, ses brevets,
etc…
A partir de cette
analyse, l’action d’un ministère du redressement productif devrait être de
donner les moyens aux travailleurs de choisir entre l’obtention d’un dédommagement
plus important pour laisser partir ce capital immatériel ou de financer la
reprise du capital physique en remplaçant les apporteurs de capitaux le temps
de retrouver un financement privé.
Ce capital immatériel
disparaissant en partie avec la suppression d’un des 2 flux, l’objectif devrait
être de garder la cohérence. Comme nous le disions plus tôt, il est
effectivement difficile d’exercer sans le matériel utilisé auparavant. Vu que
l’actionnaire n’a que des valeurs à bouger, il est plus mobile que les
travailleurs dont la vie ne peut être aussi aisément transportable. La logique
est donc qu’il y ait une préférence au choix des travailleurs qui doivent
décider notamment sur des critères de faisabilité, de durabilité.
Enfin, ce capital
immatériel étant issu des 2 autres composantes de l’entreprise, sa gestion doit
être partagée équitablement. L’un ne peut créer de richesses sans l’autre.
Cette égalité de nécessité doit être enfin reconnue dans les faits !
Le salaire est perçu
comme une libération de l’employeur de devoirs futurs et le paiement d’un
transfert de propriété du résultat du travail.
Mais autant l’employeur
actionnaire reçoit à la fois des dividendes et des droits sur la propriété et
donc sur la gestion, autant le salarié ne reçoit qu’une rémunération basée sur
les résultats présents. En toute justice, le salarié doit aussi recevoir des
droits sur la propriété. L’entreprise est constituée par les capitaux physiques
mais aussi par la qualité du travail passé qui crée le capital immatériel.
L’entreprise appartient
à la totalité des citoyens qui la composent, pas seulement à une catégorie.
Dans tous ces cas, la
difficulté est aussi d’identifier le bénéficiaire parmi les travailleurs. Un
actionnaire possède une part du capital physique. Il est donc facile de
déterminer ce qu’il possède et la part de ce qui lui revient lors d’une
distribution de biens en faveur du capital physique. Pour un travailleur, son
droit vient plus encore de l’histoire de l’entreprise. Il est peut être en CDD
arrivé très récemment ou au contraire a participé à la création et au
développement de long terme de l’entreprise.
Afin de résoudre cette
difficulté, il semble que le mieux serait d’attribuer à une entité représentante des
travailleurs les droits et devoirs liés à ce capital
immatériel. Ce serait donc cette entité qui aurait un droit de contrôle sur
l’activité de l’entreprise et gérerait les bénéfices du capital immatériel de
manière collective. Vu que l’on ne peut donner à chaque travailleur
passant dans l’entreprise une part de droits sur les brevets et autres capitaux
immatériels, ce droit doit être donné à une entité représentante des salariés
dans le temps. C’est une mutualisation de ces droits qui permettra leur
reconnaissance.
Cette instance pourrait
être les comités d’entreprise dans les grandes structures : autant
utiliser ce qui existe déjà.
Ce sont les entreprises
qui créent l’emploi mais c’est le travail qui crée la richesse.
Le lien de subordination
doit être de l’entreprise au salarié et pas du propriétaire des capitaux
financiers au travailleur. En d’autres termes, le donneur d’ordre ne saurait
être seulement l’apporteur du capital physique mais bien l’entreprise
représentée à la fois par le conseil d’administration des apporteurs de
capitaux et le comité d’entreprise représentant les travailleurs.
C’est un changement
fondamental qui est proposé ici dans les relations de travail au sein des
entreprises.
Ce changement
permettrait de regarder une délocalisation non pas comme un vol mais comme une
rupture de contrat avec toutes les conditions de dédommagement à déterminer
d'un côté ou de l'autre.
Ces principes sont
justifiés dans les faits et établissent une nouvelle relation permettant la
création des biens et services nécessaires à la vie de chacun… désormais dans
le respect de tous !
Thomas Petit
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