Entretien avec Jeremy Rifkin
“ La
clé, c'est l'histoire qu'on raconte aux nouvelles générations. Il faut que les
gens comprennent qu'une autre histoire est possible que celle qu'on leur a
racontée jusqu'ici.”
Propos recueillis par Olivier Pascal-Moussellard (Télérama) 2011
Face à la menace d'un désastre écologique, notre civilisation doit
revoir son modèle. Pour le penseur, les conditions sont réunies pour un sursaut
international. Encore faut-il que “Ies gens comprennent qu'une autre histoire
est possible”…
D'habitude, les sociologues n'aiment pas jouer les prophètes. Pourtant,
à force d'ausculter le présent, certains développent des intuitions sur ce que
pourrait être le monde demain. C'est le cas de l'Américain Jeremy Rifkin une
fois encore, dans son dernier ouvrage, Une nouvelle conscience pour un monde en
crise. Nous entrons dans « une civilisation de l'empathie », affirme l'auteur
d'études remarquées, dans le passé, sur La Fin du travail et Le Siècle biotech.
L'empathie, autrement dit l'« aptitude à éprouver comme sienne la difficile
situation d'un autre », doit absolument être élargie à la totalité de notre
biosphère, prévient l'auteur. La menace d'un désastre écologique, conjuguée
avec l'explosion des réseaux sociaux et la montée d'une « génération du
millénaire » plus tolérante, plus cosmopolite et moins consommatrice que ses
parents, force notre civilisation à revoir son modèle. Elle a d'ailleurs
commencé sa mue : du tsunami en Asie du Sud-Est aux nouvelles formes de
management « à l'horizontale » (qui privilégie le partage de l'autorité et le
travail en réseaux), du partage tous azimuts de l'intimité sur la Toile aux
dernières découvertes sur la psychologie du nourrisson, mille signes nous
avertissent, se réjouit Rifkin, que l'empathie a commencé à adoucir le monde. On
est, à dire vrai, en droit d'en douter. Et même de ne pas être entièrement
convaincu par un ouvrage qui alterne les intuitions fulgurantes et quelques
pensées... vertueuses. N'empêche : Rifkin propose une direction, là où d'autres
se contentent d'un état des lieux. Entretien avec ce guetteur inquiet, mais
plein d'espoir.