Par Daniel Schneidermann le 12/06/2013
Eclairante coïncidence : c'est justement le jour où la télé publique française diffuse pour la première fois, à une heure de grande écoute, une émission offensive sur l'évasion fiscale, une émission qui porte le fer dans la plaie, et désigne ces grands fraudeurs aux mains blanches nommés Mittal ou Amazon, HSBC ou British American Tobacco, c'est justement ce jour-là que le gouvernement grec, sous pression de la Troïka,
ferme brutalement (1)son propre audiovisuel public (on peut encore le regarder en
streaming ici (2).
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Grèce, écran noir |
Rien à voir ? Tout à voir. L'évasion fiscale est
la clé de tout (3). Les démocraties en crèvent à petit feu, et en crèveront totalement, si elles ne trouvent pas un moyen de faire rendre gorge aux multinationales qui jouent à saute-frontières avec leurs bénéfices. Une lutte à mort est engagée, dans laquelle les Etats disposent notamment d'une arme : les médias, et notamment les médias publics. C'est le mérite de l'émission d'Elise Lucet d'avoir mis cette lutte à mort en images, en allant troubler les assemblées générales d'actionnaires des grands fraudeurs, de HSBC à Mittal, et en perturbant, dans la scène culte de l'émission, un déjeuner (addition 10 000 euros) de députés et hauts fonctionnaires français amateurs de cigares, invités par le cigarettier BAT, lui-même grand évasionneur fiscal. Depuis ses débuts, Cash investigation pratique ainsi l'intrusionnisme en lieu clos avec caméras, procédé télé qui n'apporte pas forcément de grandes révélations, mais dont l'efficacité est indéniable.