Développer l'agro-écologie peut permettre d'améliorer les rendements tout en étant plus adaptée au changement climatique, estime un rapport de l'ONU en vantant le potentiel de ces techniques qui excluent les intrants.
Actu-Environnement.com | 09 mars
2011 |
Passer d'une agriculture intensive, à une agro-écologie pour aider
à nourrir la planète et sauver le climat, c'est possible, affirme le Rapporteur
spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter dans un rapport présenté le mardi 8 mars au
Haut-commissariat aux droits de l'homme, à Genève.
L'agro-écologie associe le développement de l'agriculture à la
''protection-régénération'' de l'environnement naturel.
L'agro-écologie associe le développement de l'agriculture à la
''protection-régénération'' de l'environnement naturel. Les techniques
agro-écologiques incluent le contrôle biologique (lutte contre les maladies et
les indésirables par des prédateurs naturels), l'agroforesterie (arbres et cultures sur les mêmes
parcelles de terre), le stockage naturel de l'eau, les cultures intercalaires,
l'utilisation de fumier biologique ou encore le mélange culture-bétail.
Toutes
ces techniques ont pour caractéristique commune le faible- voire zéro- recours
aux intrants extérieurs (engrais chimiques et pesticides). Ces techniques
culturales, comme le semis direct, permettent notamment de renouveler les sols
en encourageant l'usage de phytosanitaires naturels (neem, caelcedra, cassia amara,
cendres de bois…). Ces méthodes favorisent aussi une fertilisation organique,
la constitution de haies vives abritant la biodiversité ou encore le
reboisement des surfaces.
Concilier productivisme agricole et performance
environnementale permet ''d'obtenir des rendements beaucoup plus
importants que l'agriculture conventionnelle'', assure le rapporteur de l'ONU.
Une position depuis longtemps fervemment défendue par le mouvement paysan Via
Campesina ou encore l'agriculteur et penseur Pierre Rabhi.
Des techniques à ''haut rendement'' contre les crises
alimentaires et climatiques…
Ces méthodes sont ''plus efficaces que le recours aux
engrais chimiques pour stimuler la production alimentaire dans les régions
difficiles où se concentre la faim'' tout en "facilitant
l'adaptation au changement climatique'', explique Olivier De Schutter, auteur
du rapport, en s'appuyant sur plusieurs études scientifiques réalisées sur les
approches agro-écologiques et des rapports onusiens (FAO, PNUE).
Parmi ces études, celle pilotée par l'Université d'Essex
(Royaume-Uni) qui a analysé 286 projets menés dans 57 pays en développement et
couvrant une surface totale de 37 millions d'hectares. Résultats : les projets
agro-écologiques ont montré une augmentation moyenne des rendements de 80% dans
les 57 pays, ''avec une augmentation moyenne de 116% pour tous les projets
africains", souligne l'expert de l'ONU. D'autant que les récents
projets développés dans une vingtaine de pays d'Afrique ont permis ''un
doublement des rendements des cultures sur une période de 3 à 10 ans''.
Par exemple, dans les provinces occidentales de Shinyanga et
Tabora, en Tanzani, ''le recours aux techniques d'agroforesterie et la
participation paysanne ont permis de réhabiliter 350.000 hectares de terres en
à peine 20 ans. Les bénéfices par ménage ont augmenté de 500 dollars US par
an'', explique Olivier De Schutter. L'agroforesterie est aussi utilisée au
Malawi depuis 2005, bénéficiant à plus de 1,3 millions de petits producteurs ''avec
des rendements de maïs passant de plus de 1 tonne par hectare à 2-3 tonnes /
ha'', ajoute l'expert de l'ONU. Le rapport cite également des projets
asiatiques développés en Indonésie, au Vietnam et au Bangladesh qui ont
enregistré une diminution de 35 % à 92 % de l'emploi d'insecticides dans la
culture du riz.
''Il est prouvé que ce type de technique à faible
utilisation d'intrants externes, qui préserve les ressources, peut
accroître considérablement les rendements tout en fournissant de l'emploi rural
et en réduisant le coût des traitements'', affirme M. De Schutter.
Le rapport souligne le rôle clé des fermes-écoles dans le
développement des formations dédiées à l'agro-écologie. ''Les pesticides et
engrais étant remplacés par le savoir'', renchérit-il. ''Ce fut un pari
gagnant, et des résultats comparables abondent dans d'autres pays africains,
asiatiques et latino-américains''. L'agro-écologie gagne aussi du terrain
dans les pays développés comme les Etats-Unis, l'Allemagne et la France, ajoute
l'auteur.
…et pour un ''réinvestissement" dans l'agriculture
durable
L'agro-écologie permet aussi ''une meilleure adaptation
au changement climatique'', souligne encore l'expert onusien via notamment une réduction des émissions de GES, la gestion des sols
permettant "un meilleur stockage du carbone", plaide-t-il. Les méthodes
de culture agro-écologique seraient aussi ''mieux à même'' de
supporter des épisodes de sécheresse et d'inondations. Le programme
d'agroforesterie mis en place au Malawi a ainsi ''permis d'améliorer
l'infiltration du sol'', indique-t-il. Les expériences réalisées sur
des exploitations en Éthiopie, en Inde et aux Pays-Bas ''ont démontré que les
propriétés physiques des sols cultivés biologiquement amélioraient la
résistance des cultures à la sécheresse'', ajoute le responsable onusien dans
son rapport.
Mais, "peu d'attention a été accordée aux méthodes
agro-écologiques qui ont pourtant prouvé leur capacité", déplore
l'expert de l'ONU alors que pour accroître la production alimentaire, les
efforts se concentrent actuellement ''sur les investissements à grande
échelle : semences améliorées, fertilisants chimiques et recours aux machine''.
Le rapport vise donc à encourager ''la transition
mondiale'' vers l'agro-écologie ''pour nourrir 9 milliards d'êtres humains
en 2050''. Le rapporteur onusien appelle les Etats à réinvestir dans une
agriculture ''durable", après la crise des prix alimentaires de 2008 qui ont battu un
nouveau record en février. Pour l'expert, le problème de la faim dans le monde et du changement
climatique ''ne se résoudront pas avec l'établissement de grandes fermes
industrielles mais avec la mise en œuvre de projets écologiques adaptés aux
petits producteurs''.
Olivier De Schutter appelle les Etats à faire plus de place
à l'agro-écologie dans leurs stratégies de développement et aller au-delà du
stade expérimental. ''Tout ce qu'il faut pour cela, c'est la volonté politique.
C'est elle qui permettra de faire passer ces projets pilotes au stade de
politiques nationales'', selon lui .
D'autant que l'agriculture est déjà directement responsable
de 14 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre totales (33% en
incluant le CO2 produit par la déforestation pour l'expansion de la culture ou des
pâturages), et que ''ces émissions pourraient augmenter de 40% d'ici
2030'', rappelle-t-il, ''sans un changement important dans les politiques
mises en œuvre''. ''Nous devons faire vite si nous voulons éviter des
catastrophes alimentaires et climatiques au 21e siècle'', a-t-il prévenu.
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