mercredi 6 juin 2012

L'agro-écologie peut doubler la production alimentaire mondiale en 10 ans, selon l'ONU

Développer l'agro-écologie peut permettre d'améliorer les rendements tout en étant plus adaptée au changement climatique, estime un rapport de l'ONU en vantant le potentiel de ces techniques qui excluent les intrants.


Actu-Environnement.com |  09 mars 2011  |  

Passer d'une agriculture intensive, à une agro-écologie pour aider à nourrir la planète et sauver le climat, c'est possible, affirme le Rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter dans un rapport présenté le mardi 8 mars au Haut-commissariat aux droits de l'homme, à Genève.

L'agro-écologie associe le développement de l'agriculture à la ''protection-régénération'' de l'environnement naturel.
L'agro-écologie associe le développement de l'agriculture à la ''protection-régénération'' de l'environnement naturel. Les techniques agro-écologiques incluent le contrôle biologique (lutte contre les maladies et les indésirables par des prédateurs naturels), l'agroforesterie (arbres et cultures sur les mêmes parcelles de terre), le stockage naturel de l'eau, les cultures intercalaires, l'utilisation de fumier biologique ou encore le mélange culture-bétail. 

Toutes ces techniques ont pour caractéristique commune le faible- voire zéro- recours aux intrants extérieurs (engrais chimiques et pesticides). Ces techniques culturales, comme le semis direct, permettent notamment de renouveler les sols en encourageant l'usage de phytosanitaires naturels (neem, caelcedra, cassia amara, cendres de bois…). Ces méthodes favorisent aussi une fertilisation organique, la constitution de haies vives abritant la biodiversité ou encore le reboisement des surfaces.
Concilier productivisme agricole et performance environnementale permet ''d'obtenir des rendements beaucoup plus importants que l'agriculture conventionnelle'', assure le rapporteur de l'ONU. Une position depuis longtemps fervemment défendue par le mouvement paysan Via Campesina ou encore l'agriculteur et penseur Pierre Rabhi.

Des techniques à ''haut rendement'' contre les crises alimentaires et climatiques…
Ces méthodes sont ''plus efficaces que le  recours aux engrais chimiques pour stimuler la production alimentaire dans les régions difficiles où se concentre la faim'' tout en "facilitant l'adaptation au changement climatique'', explique Olivier De Schutter, auteur du rapport, en s'appuyant sur plusieurs études scientifiques réalisées sur les approches agro-écologiques et des rapports onusiens (FAOPNUE).

Parmi ces études, celle pilotée par l'Université d'Essex (Royaume-Uni) qui a analysé 286 projets menés dans 57 pays en développement et couvrant une surface totale de 37 millions d'hectares. Résultats : les projets agro-écologiques ont montré une augmentation moyenne des rendements de 80% dans les 57 pays, ''avec une augmentation moyenne de 116% pour tous les projets africains", souligne l'expert de l'ONU. D'autant que les récents projets développés dans une vingtaine de pays d'Afrique ont permis ''un doublement des rendements des cultures sur une  période de 3 à 10 ans''.

Par exemple, dans les provinces occidentales de Shinyanga et Tabora, en Tanzani, ''le recours aux techniques d'agroforesterie et la participation paysanne ont permis de réhabiliter 350.000 hectares de terres en à peine 20 ans. Les bénéfices par ménage ont augmenté de 500 dollars US par an'', explique Olivier De Schutter. L'agroforesterie est aussi utilisée au Malawi depuis 2005, bénéficiant à plus de 1,3 millions de petits producteurs ''avec des rendements de maïs passant de plus de 1 tonne par hectare à 2-3 tonnes / ha'', ajoute l'expert de l'ONU. Le rapport cite également des projets asiatiques développés en Indonésie, au Vietnam et au Bangladesh qui ont enregistré une diminution de 35 % à 92 % de l'emploi d'insecticides dans la culture du riz.

''Il est prouvé que ce type de technique à faible utilisation d'intrants externes, qui  préserve les ressources, peut accroître considérablement les rendements tout en fournissant de l'emploi rural et en réduisant le coût des traitements'', affirme M. De Schutter.

Le rapport souligne le rôle clé des fermes-écoles dans le développement des formations dédiées à l'agro-écologie. ''Les pesticides et engrais étant remplacés par le savoir'', renchérit-il. ''Ce fut un pari gagnant, et des résultats comparables abondent dans d'autres pays africains, asiatiques et latino-américains''. L'agro-écologie gagne aussi du terrain dans les pays développés comme les Etats-Unis, l'Allemagne et la France, ajoute l'auteur.

…et pour un ''réinvestissement" dans l'agriculture durable
L'agro-écologie permet aussi ''une meilleure adaptation au changement climatique'', souligne encore l'expert onusien via notamment une réduction des émissions de GES, la gestion des sols permettant "un meilleur stockage du carbone", plaide-t-il. Les méthodes de culture agro-écologique seraient aussi ''mieux à même'' de supporter des épisodes de sécheresse et d'inondations. Le programme d'agroforesterie mis en place au Malawi a ainsi ''permis d'améliorer l'infiltration du sol'', indique-t-il. Les expériences réalisées sur des exploitations en Éthiopie, en Inde et aux Pays-Bas ''ont démontré que les propriétés physiques des sols cultivés biologiquement amélioraient la résistance des cultures à la sécheresse'', ajoute le responsable onusien dans son rapport.

Mais, "peu d'attention a été accordée aux méthodes agro-écologiques qui ont pourtant prouvé leur capacité", déplore l'expert de l'ONU alors que pour accroître la production alimentaire, les efforts se concentrent actuellement ''sur les investissements à grande échelle : semences améliorées, fertilisants chimiques et recours aux machine''.

Le rapport vise donc à encourager ''la transition mondiale'' vers l'agro-écologie ''pour nourrir 9 milliards d'êtres humains en 2050''. Le rapporteur onusien appelle les Etats à réinvestir dans une agriculture ''durable", après la crise des prix alimentaires de 2008 qui ont battu un nouveau record en février. Pour l'expert, le problème de la faim dans le monde et du changement climatique ''ne se résoudront pas avec l'établissement de grandes fermes industrielles mais avec la mise en œuvre de projets écologiques adaptés aux petits producteurs''.

Olivier De Schutter appelle les Etats à faire plus de place à l'agro-écologie dans leurs stratégies de développement et aller au-delà du stade expérimental. ''Tout ce qu'il faut pour cela, c'est la volonté politique. C'est elle qui permettra de faire passer ces projets pilotes au stade de politiques nationales'', selon lui .

D'autant que l'agriculture est déjà directement responsable de 14 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre totales (33% en incluant le CO2 produit par la déforestation pour l'expansion de la culture ou des pâturages), et que ''ces émissions pourraient augmenter de 40% d'ici 2030'', rappelle-t-il, ''sans un changement important dans les politiques mises en œuvre''. ''Nous devons faire vite si nous voulons éviter des catastrophes alimentaires et climatiques au 21e siècle'', a-t-il prévenu.

Rachida Boughriet                     

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