
Dans une République de citoyens librement associés où la légitimité démocratique règle la production, les parties prenantes de l’entreprise ne sont plus des contre-pouvoirs mais le pouvoir lui-même. Il s’invente ainsi un monde qui conjugue autonomie et solidarité, liberté et responsabilité. Ente le salariat, déresponsabilisant, souvent aliénant, et l’auto-entrepreneuriat, souvent précaire, il existe d’autres formes économiques beaucoup plus crédibles pour l’avenir de l’humanité. La gauche a le devoir de le rappeler car c’est bien en renouant avec ses aspirations profondes qu’elle pourra convaincre et rassembler sur un projet commun. Sa vocation est de déjouer l’impasse écologique et d’émanciper l’homme de la production marchande. Du gestionnaire appliqué et impuissant, il convient de passer à l’architecte audacieux et pragmatique de l’édifice social. Sans une réelle ambition politique, nous serons toujours à la merci des marchés aveugles à l’intérêt général…
“Le but de notre transformation sociale est le bonheur des individus et non la réalisation de lois économiques inéluctables.”
Loin des professions de foi sur l’égalité des chances et des discours laudateurs sur la justice fiscale, la gauche doit associer un pragmatisme dans le contrôle des richesses avec une ambition renouvelée pour un autre exercice du pouvoir. Nous verrons alors les financements affluer pour écrire un autre chapitre du progrès social. La France a parfaitement les moyens d’un enseignement ambitieux où l’art et la culture occuperaient la première place au lieu d’avoir le taux d’encadrement scolaire le plus faible des pays industrialisés selon le Centre d’Analyse Stratégique. Nous vivons plus longtemps aussi parce que nous travaillons moins longtemps. Rien n’oblige à compromettre notre espérance de vie en rallongeant le départ à la retraite alors qu’un salarié produit quatre à cinq fois plus qu’il y a trente ans et que des millions de jeunes attendent leur insertion dans le monde du travail.
L’incroyable bond technologique réalisé depuis la seconde guerre mondiale par l’intelligence collective des hommes ne doit pas profiter uniquement à une minorité obligeant tous les autres à travailler plus et à gagner moins. Les gains de productivité sont là pour permettre de vivre mieux, d’harmoniser le vivre ensemble et de renouer avec l’espérance d’une société émancipée de la production marchande. Rappelons nous le Programme du Conseil national de la Résistance en 1944 : une retraite permettant de finir dignement ses jours, un plan complet de sécurité sociale, le droit au travail et le droit au repos pour tous, l’indépendance de la presse, mais aussi : « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». Avons-nous le droit, plus d’un demi-siècle après, d’exiger moins ? Comme le rappelle Raymond Queneau : « Le but de notre transformation sociale est le bonheur des individus et non la réalisation de lois économiques inéluctables ».
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