vendredi 18 mai 2012

"On peut prêter aux Etats européens à du 0,02% sans changer les traités"

Invité de Matin Première, l'économiste Pierre Larrouturou dresse un double constat. Premièrement, les remèdes des gouvernements européens contre la crise ne soignent pas le mal mais l'aggravent. Deuxièmement, les solutions pour sortir de cette crise existent mais une "oligarchie" s'oppose à leur mise en place.


Citant l’exemple américain, il explique que "pendant 30 ans, avant l’arrivée de Reagan au pouvoir (en 1981), il n’y avait besoin ni de dette privée, ni de dette publique pour nourrir l’économie". "Globalement, tout ce que l'on fait depuis quatre ans ne marche pas et aggrave le problème, parce que le diagnostic est faux". L'économiste et agronome français Pierre Larrouturou ne ménage pas les plans d'austérité mis en place par les gouvernements européens ces dernières années. Et l'invité de Matin Première de citer une liste interminable de pays qui se sont engagés dans l'austérité et rentrent, ou sont rentrés, en récession depuis lors.
Durant cette période, "il y a eu un équilibre social : ce qui allait aux actionnaires, ce qui allait aux salariés était à peu près équilibré", constate-t-il. "Mais depuis l’arrivée de Ronald Reagan, depuis le succès des politiques libérales, nos pays ont besoin de dette parce que l’on a consenti trop de baisses d’impôts pour les plus riches et que ce qui va aux salaires est trop bas", affirme-t-il.
Dès lors, ce que l’on ne donne par le salaire, on le donne par le crédit, ce qui a créé une immense dette privée. Par contre, la "bonne nouvelle", c’est que les politiques que mettait en place le président Roosevelt ont fonctionné avant le tournant néolibéral. Et que donc, des solutions sont possibles face à des crises structurelles.
"On est dirigé par une petite oligarchie qui ne pense qu'à ses intérêts"
Cet analyste qui avait vu venir la crise de 2008, prévient aujourd'hui que si l'on maintient le cap actuellement choisi par les autorités européennes, on court tout droit vers un nouveau choc.
En ce qui confirme les réformes des retraites, dont il estime qu'elles aggraveront le problème du chômage car "seulement 19% des gens ont un travail entre 60 et 64 ans". Autrement dit, repousser l’âge de la retraite résultera soit dans des périodes de chômage pour obtenir une retraite complète, soit dans des départs anticipés qui se traduisent par une retraite rabotée.
"Ce qui est vraiment scandaleux, c’est qu’on est dirigé par une petite oligarchie qui pense à ses intérêts au lieu de penser aux intérêts communs", s’offusque Pierre Larrouturou.
"On prête aux banques à des taux 500 fois inférieurs que ceux
des prêts accordés aux Etats"
Pour illustrer les effets de ce qu’il dénonce, l’ancien membre du PS français indique que la banque centrale des Etats-Unis a prêté 1200 milliards aux banques au taux de 0,01%. 
"Et cette semaine, la Banque centrale européenne a prêté 480 milliards au taux de 1%". Les banques sont aidées à des taux plancher au nom de la crise quand les Etats doivent payer des intérêts de 4 à 7%, au nom de cette même crise.
Ce "deux poids, deux mesures" est inacceptable dénonce Pierre Larrouturou. Si l’on est capable de prêter de l’argent aux banques à de tels taux, "qu’est-ce qui empêche de le faire pour les Etats ?", pour qu’ils puissent financer les services publics qui bénéficient à toute la population, s’interroge l’ingénieur.
D’autant, précise l’invité, que "dans les statuts de la BCE, il est dit qu'elle peut prêter à des taux de 0,01% à la BEI qui pourrait prêter à 0,02% aux Etats". Ce "sans modifier les traités !", lance l’auteur du livre "Pour éviter le krach ultime", comme on lance un pavé dans une mare.
S’il ne disconvient pas qu’il faille imposer une discipline budgétaire aux Etats, il maintient donc que pour la dette publique passée, il serait possible aux Banques centrales de pratiquer des taux 400 à 500 inférieurs à ceux actuellement pratiqués.
"Ce qui donnerait une bouffée d'oxygène considérable", commente celui qui a récemment quitté la formation Europe Ecologie – Les Verts.
 Julien Vlassenbroek

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