Par Eric Verhaeghe, publié dans Atlantico - François Hollande a annoncé aujourd’hui en conseil des ministres une diminution de 30% de la rémunération des membres du gouvernement. Mais la France est encore loin d'une moralisation complète de la rémunération des cabinets ministériels.
Éric Verhaeghe
Éric Verhaeghe est l'ancien Président de l'APEC
(l'Association pour l'emploi des cadres) et auteur de
Jacob-Duvernet (septembre 2011).
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Comme prévu sur sa feuille de route parue pendant la campagne, François
Hollande a annoncé ce jeudi en conseil des ministres une diminution de la
rémunération des ministres à hauteur de 30%. Ce geste est important parce qu’il
témoigne de la volonté affichée par la nouvelle équipe de rompre avec la
logique prêtée au précédent quinquennat, en montrant personnellement l’exemple.
En même temps, le nouveau Président s’attaque de façon
très symbolique et très partielle à un sujet très vaste, et très ancien en France,
la rémunération du gouvernement. Rappelons-nous de la décision très
importante prise par Lionel Jospin en 2001: la suppression des fonds secrets,
c’est-à-dire le terme qu’il avait mis à la distribution d’argent liquide dans
les cabinets ministériels. Il y avait alors substitué les indemnités de
sujétion particulière (les fameuses ISP) qui sont versées sur fiche de paye et
théoriquement déclarées au Parlement en loi de finances.
Lionel Jospin eut le mérite de rendre transparentes des pratiques obscures
qui permettaient aux conseillers de se verser des sommes parfois très coquettes
en toute illégalité. Les mauvaises langues disent même que les fonds secrets
servaient régulièrement à financer des campagnes électorales. Ou des dépenses
privées des ministres.
Dans tous les cas, la suppression des fonds secrets a
obligé, dès août 2002, à revaloriser fortement le salaire des ministres. Ceux-ci n’étaient
pas habilités à percevoir des indemnités de sujétion et se retrouvaient donc
avec le seul salaire versé par l’Etat. Par décret, il fut décidé d’en changer
le mode de calcul en l’indexant sur les plus hautes rémunérations de la
fonction publique. Cette décision revenait à augmenter les salaires des
ministres de 70%.
François Hollande a donc choisi de revenir partiellement sur cette mesure.
Si l’on comprend bien l’intention et si celle-ci paraît louable, on regrettera
néanmoins que cet engagement n’aille pas jusqu’à une moralisation complète de
la rémunération des cabinets ministériels. En effet,
derrière l’arbre du salaire brut des ministres, se cache une forêt d’avantages
qu’il serait bon de rendre transparents et de moraliser.
Tout d’abord, concernant les ministres eux-mêmes, la
mesure passe sous silence les avantages en nature dont ils disposent: le logement,
les frais de bouche, parfois les frais de garde des enfants. Il est de
notoriété publique que le personnel de maison dont bénéficient les ministres
peut coûter très cher.
Ensuite, la mesure ne dit rien
concernant les membres de cabinet. Hors, ceux-ci sont parfois
pléthoriques, et peuvent bénéficier d’avantages financiers relativement
importants.
Il existe en fait deux cas de figure. Le moins choquant concerne les
collaborateurs de cabinet recrutés sur contrats. On notera que ces contrats
sont très précaires et permettent des ruptures unilatérales sans aucun préavis
et sans indemnité. Il s’agit le plus souvent de jeunes conseillers ou attachés,
notamment parlementaires, qui ont un pedigree très politique. Pour leur
rémunération, le ministre dispose d’un volume financier global qu’il répartit à
sa guise. Il peut décider d’avoir peu de conseillers bien payés, ou beaucoup de
conseillers moins bien payés. L’essentiel est de ne pas dépasser la masse
salariale inscrite au budget.
Le plus choquant concerne les fonctionnaires qui
«montent» en cabinet. Ce sport très pratiqué au moment des nominations ministérielles
constitue souvent une timbale pour les intéressés. En effet, le
service en cabinet permet de conserver tous les avantages du service actif dans
la fonction publique: rémunération, ancienneté, protection, en y ajoutant les
avantages du cabinet: primes, privilèges divers, postes de sortie prestigieux.
Les primes peuvent s’élever mensuellement à plusieurs milliers d’euros et
permettent ainsi de doubler et plus la rémunération de base.
Certains considéreront que les fonctionnaires récupèrent ainsi l’énergie
qu’ils ont mises à ramper dans la boue pour obtenir leur nomination en cabinet. En termes démocratiques, on s’étonnera néanmoins de voir qu’un
fonctionnaire, supposé politiquement neutre, puisse se consacrer à des missions
politiques avec tous les avantages qu’elles procurent, sans aucun des
inconvénients.
Une mesure véritablement transparente consisterait à interdire cette
pratique, en exigeant des fonctionnaires en poste dans les cabinets qu’ils
renoncent à leur statut au moins pendant la période où ils servent un ministre.
D’une part, cette mesure resterait très protectrice, puisqu’elle garantirait le
retour automatique dans la fonction publique à l’issue du passage en cabinet.
D’autre part, elle permettrait de limiter la pléthore de fonctionnaires qui
grenouillent activement dans les antichambres de ministre. Et qui nourrissent
l’idée qu’il existe une caste de mandarins qui a confisqué le pouvoir à son
profit.
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