Le revenu, une nécessité dans une société
de division du
travail
Alors que la zone Euro aura 800
milliards d’euros à trouver en 2012 pour se refinancer, la perte de 30000
emplois en France semble secondaire au vu des analyses. L’impression générale
est que l’emploi se dégrade à cause des plans de rigueur mis en place.
Evidemment, les plans de rigueur
diminuent la surface de consommation. Les prévisions des producteurs sont donc
pessimistes et ceux-ci réduisent leurs capacités de production pour ne pas
produire à perte. Cette réduction implique une diminution du nombre d’heures
travaillées. Dès lors des choix s’opèrent parmi les travailleurs qui sont mis
en concurrence avec un accroissement de la compétition sur les coûts. En effet,
les entreprises cherchent à diminuer leurs coûts en raison de perspectives
difficiles, et en plus, pour un même nombre de travailleurs compétents dans un
secteur, il y a moins de besoins et il peut donc faire un choix vers ceux qui
acceptent une rémunération moindre.
“Le seul problème du producteur est de produire quelque chose qu’il pourra vendre afin d’acquérir de la monnaie.”
Pas besoin de question de
compétitivité pour que cette diminution impact à la fois le nombre de
travailleurs et la rémunération de ceux qui gardent un emploi : ceci
marcherait de la même manière dans une économie fermée. Simplement, les
disponibilités externes accessibles (là où l’entreprise a un établissement)
seront prioritaires si elles sont moins chers pour un même niveau de
compétences et d’infrastructures.
Dans cette logique dépressive, il
faut noter que le problème du producteur n’est pas de produire en fonction des
capacités en matières premières, des compétences et du temps disponibles, ou
encore des besoins de la population. Le seul problème du producteur est de
produire quelque chose qu’il pourra vendre afin d’acquérir de la monnaie.
On en vient alors au problème
principal : pourquoi veut-il produire pour de la monnaie plutôt que pour
augmenter les biens et services à disposition et donc le bien être
général ? Si l’on suit la logique classique,
la réponse est qu’il ne produit pas pour le bien-être général mais juste pour
sa pomme. Mais dans ce cas, pourquoi ne
produit-il pas juste ce dont il a besoin personnellement ? Pourquoi
s’est-il spécialisé dans la production d’un bien qu’il va produire en centaines
d’exemplaires alors qu’il n’en aurait besoin que d’un seul ? La raison en est simple : la
division du travail !
“En gros, les hôtels sont de plus en plus miteux mais quelques-uns, toujours moins nombreux en proportion de la population, peuvent s’offrir des palaces.”
C’est la croyance dans le fait que produire cent voitures
lui permettra d’acquérir un équivalent de biens et services supérieur à ce
qu’il aurait eu s’il avait voulu produire chacun de ces biens lui-même.
Or ceci suppose qu’il puisse
échanger ces 100 voitures contre tous ces biens. S’il produit 100 voitures mais
que ses acheteurs n’ont pas assez de monnaie pour lui donner la capacité
d’acheter les biens et services qu’il pensait acquérir en contre-partie, il va
commencer à douter de l’intérêt de se spécialiser et préférera produire moins
de voitures et avoir du temps pour produire lui-même les autres biens. Il
s’agit donc d’une défiance dans le marché mais aussi et surtout d’une défiance
dans sa capacité à acquérir de la monnaie en quantité suffisante.
La spéculation, l’accumulation
monétaire, la cupidité, engendrent une sortie supplémentaire de la monnaie et
un déséquilibre sur les marchés qui impliquent à la fois une volonté d’acquérir
plus avec les 100 voitures produites (il veut faire un profit supplémentaire)
tout en diminuant cette capacité (les autres auront moins, ce qui est la
contre-partie de ce déséquilibre). Il va donc préférer produire 90 voitures
plus chères qui s’échangeront entre ceux qui ont été « gagnants »
dans la période précédente. Il aura moins de biens et services mais plus de
monnaie et, d’autres n’ayant plus accès à ces marchés, il aura même plus de
biens et services relativement au reste de la population. Comme chacun produit
moins, ces produits peuvent avoir une conception améliorée, c’est ce qui
correspond au luxe. En gros, les hôtels sont de plus en plus miteux mais
quelques-uns, toujours moins nombreux en proportion de la population, peuvent
s’offrir des palaces.
“C’est donc bien la division du travail qui crée le marché et le marché qui crée la monnaie.”
Nous voyons donc que la
quantité de monnaie accessible au travailleur est essentielle pour le
fonctionnement de l’économie mais aussi de la finance : le travailleur
n’ayant plus accès à la monnaie va diminuer le travail consacré à l’obtention
de cette monnaie et dévaloriser ainsi la valeur monétaire.
En effet, la valeur de la monnaie
dépend avant tout de ce que cette monnaie permet d’acquérir. Si les producteurs
ne produisent plus pour acquérir de la monnaie par manque de confiance, la
monnaie perdra de sa valeur. C’est donc bien la division du travail qui crée le marché
et le marché qui crée la monnaie. Dans ce cadre, il devient clair
que chaque fois que le nombre de travailleurs diminue, nous augmentons le
risque sur la confiance de ce système. L’exclusion du travail étant
actuellement aussi l’exclusion à l’accès à la monnaie et donc aux marchés, les
travailleurs, sont incités à se déspécialiser et à redevenir autonomes
réduisant encore le marché.
Il est donc essentiel que l’accès
au travail soit facilité à moins d’accepter la distribution de revenus sans
travail pour certains pendant que les autres travaillent plus. Ce qui est
certains, c’est qu’à une quantité globale de temps de travail donnée (et dans
le temps cette quantité a toujours diminué même pendant les 30 glorieuses), il
faut faire des choix de partage du travail et de répartition des ressources.
“Les gains présents donnés au propriétaire de ce capital sont donc tout aussi contestables que ceux donnés aux « assistés ».”
Ces choix ayant des conséquences sur l’utilité de la
monnaie et sa valorisation, la question de la réduction du temps de travail a
un lien direct avec la crise actuelle, mais pas celui qu’on croit.
Il est utile de voir que la
répartition de ces ressources possède 2 grandes clés et une petite.
La petite clé est la
redistribution, les minimas sociaux que certains qualifient maintenant
d’assistanat et de cancer de la nation.
L’une des grandes clés est la
possession d’un capital c’est-à-dire d’un capital passé cristallisé et
réutilisable. Il faut noter que la valorisation de ce capital dépend aussi de
facteurs de connaissance (recherche, éducation, …) et de besoins de société (un train à vapeur reste utile
mais ne correspond plus aux besoins de vitesse de notre société) qui ne sont
pas le fait des propriétaires de ce capital. De plus, cette propriété est de
plus en plus souvent transmise et n’est plus liée à un travail passé effectué
par le propriétaire. La monétisation de ce capital en permet la modernisation
puisque ce n’est plus la machine qui est possédée mais ce que produit la
machine, y compris le renouvellement de ce bien. Le capital est donc cumulable
et transmissible. Les gains présents donnés au propriétaire de ce capital
sont donc tout aussi contestables que ceux donnés aux « assistés ».
Dans les 2 cas, le percepteur de ressource n’a rien produit lui-même dans la
période présente.
“faire le choix d’une répartition déséquilibrée du travail va impliquer une diminution de l’efficacité de ce travail.”
La troisième clé est bien sûr le
travail. Si l’on exclut la petite clé, il
devient alors nécessaire d’être propriétaire de capital ou bien d’avoir accès à
la monnaie par le travail. Si l’on est exclu de ces 2 clés,
la survie implique que l’on doive sortir du système de division du travail et
se fournir soi-même de tout ce dont on a besoin. Or, plus cette population
d’exclus grandit et plus la probabilité d’en faire partie grandit aussi. Le travailleur avisé percevant ce
risque va limiter son travail spécialisé, c’est-à-dire son investissement dans
ce système (formation, temps consacré, …). Si l’on considère que la
spécialisation est un facteur d’efficacité, la déspécialisation devrait limiter
cette efficacité.
De ce fait, faire le choix d’une répartition
déséquilibrée du travail va impliquer une diminution de l’efficacité de ce
travail. Par conséquent, le partage du
travail est plus efficace que le rationnement de l’accès à au travail. De plus, l’incitation au travail et à la spécialisation
dépendant de l’accès au marché et donc aux productions des autres spécialistes,
ce travail doit être suffisamment rémunéré pour donner accès aux marchés des
biens et services. La répartition de la monnaie entre travailleurs d’une part,
et avec les propriétaires du capital d’autre part, est donc essentielle pour…
la valeur de la monnaie !
La logique actuelle des
gouvernements et de nombreux « experts » médiatiques est de sauver le
système monétaire en sauvant les financiers, c’est-à-dire les (assistés)
propriétaires du capital.
Pourtant, c’est le travail et la capacité d’accès aux
marchés qui donnent de la valeur à la monnaie. Toute politique voulant sauver
l’euro devrait donc avoir pour objectif de répartir le travail et les ressources
à un plus grand nombre. La mauvaise répartition du
travail est une des causes de la détérioration du système financier. La
suppression d’emploi est donc à la fois une cause et une conséquence de la
dégradation du système financier. Mais pire pour le système financier :
celui-ci n’a d’utilité et de valeur que dans le cadre de la confiance dans un
système de division du travail. Si cette confiance est perdue, les
consommateurs n’ayant plus les moyens de consommer deviendront à nouveau
producteurs de leurs propres besoins, supprimant la possibilité d’échanges et
donc l’utilité de la monnaie. La mode des monnaies
complémentaires permettant la création de nouvelles zones de production
autarciques au sein de la zone générale en est une alerte. La réduction du temps de
travail et l’augmentation des salaires horaires en est une solution
indispensable !
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