mercredi 3 avril 2013

Le miracle allemand, ou comment faire exploser la précarité et passer pour un bon élève


Des conditions de travail dégradées et des inégalités des revenus accrues

Par Kamira Delli Rue89 Publié le 28/03/2013 à 18h46

Le taux de pauvreté, et en particulier celui des enfants, a augmenté de 2,2 points entre 2000 et 2005. Le nombre de travailleurs pauvres est passé de 4,8% à 7,5%, et le taux de pauvreté parmi les chômeurs a explosé de 41% à 68% entre 2004 et 2010. Le droit du travail a été complètement détricoté : les contrats à durée déterminée et l’intérim sont devenus la norme et non plus l’exception. Ainsi, le recours à l’intérim a été multiplié par 2,7 et le temps partiel a bondi de 33%.

Parallèlement, le système d’indemnisation chômage a été profondément réformé, la durée d’indemnisation a été raccourcie, faisant basculer dans la pauvreté un grand nombre de chômeurs en fin de droit. En effet, le revenu minimum en Allemagne (l’équivalent de notre RSA) est bien inférieur au seuil de pauvreté et ne représente pas un véritable filet de protection sociale.


Des chômeurs mieux accompagnés

En effet, si le chômage n’a pas cru pendant la crise, c’est aussi grâce à un dialogue social de qualité qui a permis de mettre en place une flexibilité gagnante de la durée du travail, à travers par exemple du temps partiel temporaire et la mise en place de comptes épargne-temps. La baisse du temps de travail individuel a peu impacté les salaires car les entreprises ont joué le jeu en rognant d’abord sur leurs marges. De même, l’accompagnement des chômeurs a été fortement amélioré et les contrats aidés ont apporté d’excellents résultats en matière de réinsertion des chômeurs de longue durée.

En revanche, la paupérisation des chômeurs et des travailleurs précaires a exercé une pression globale à la baisse des salaires. Les écarts de revenus se sont donc creusés, et les plus pauvres ont vu leur pouvoir d’achat se dégrader bien plus que la moyenne.

La compétitivité allemande a donc un prix : la précarisation des travailleurs et la paupérisation des catégories déjà les plus fragiles. Répétons-le donc, ce modèle allemand, trop souvent érigé en exemple, est loin du tableau idyllique que l’on en fait. Il est crucial de ne pas confondre flexibilité et compétitivité, car lorsqu’on offre aux entreprises la possibilité de licencier plus facilement leurs salariés en temps crise, et de recourir à des formes d’emploi atypiques (intérim, temps partiel), il ne faut pas s’étonner de voir les conditions de travail se dégrader et les inégalités de revenus s’accroître.

Les Allemands offriront-ils une session de rattrapage aux sociaux-démocrates en 2014 ? Ce qui est sûr, c’est que le chapitre « compétitivité » est à sérieusement réviser.

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