vendredi 20 juillet 2012

Les énergies vertes font-elles bon ménage avec l'emploi ?


DECRYPTAGE : Le syndicat des énergies renouvelables a présenté son Livre Blanc soumettant une feuille de route pour la création de 125.000 emplois d'ici 2020.
Energie solaire en Allemagne (c) Sipa
Energie solaire en Allemagne (c) Sipa
Les énergies vertes pourraient créer 125.000 emplois en France, selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER) qui a présenté, jeudi 19 janvier, son Livre Blanc. Un chiffre atteignable d'ici 2020, puisqu'elles constituent un "marché mondial en forte croissance malgré la crise", selon lui. Pour cela, le Syndicat s'invite dans la campagne présidentielle en présentant une feuille de route à l'ensemble des candidats à la présidentielle. L'objectif est d'atteindre 25% d'énergies renouvelables en France en 2020 afin de répondre aux enjeux énergétiques et industriels (13% à l'heure actuelle). Selon le document, la filière permettra ainsi 3,4 milliards d'euros de solde positif sur la balance commerciale en 2020.

Un million d'emplois en 2020
Ce n'est pas Eva Joly qui contredira le SER, en tout cas sur la question de l'emploi. La candidate d'Europe Ecologie-Les Verts, qui a annoncé un projet ambitieux portant sur la création de 981.000 emplois nets d'ici 2020, chiffre l'apport des énergies renouvelables à plus de 141.000 emplois directs et indirects. Un chiffre somme toute comparable à celui du syndicat et celui fourni lors du Grenelle de L'environnement (2007).
Pour se persuader des bienfaits des énergies renouvelables sur l'emploi, l'exemple allemand est souvent mis en avant. L'Allemagne a amorcé depuis belle lurette son "tournant énergétique", amplifié d'ailleurs par la décision de sortir du nucléaire civil au plus tard en 2022, après l'accident de la centrale de Fukushima au Japon, en mars 2011.
Selon des chiffres de l'institut allemand pour la recherche économique écologique, le secteur des énergies renouvelables comptait en 2010, 370.000 emplois, un total en hausse de 8% par rapport à l'année précédente et affichant le double par rapport à 2004.
Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, les emplois liés directement au marché des énergies renouvelables étaient évalués à 72.640 en France. Le Livre Blanc du SER évoque désormais 100.000 emplois en France.
En mars 2010, lors du salon de l'agriculture, Nicolas Sarkozy a mis un terme aux orientations "écologiques" du gouvernement en déclarant "je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement, parce que là aussi ça commence à bien faire". Une phrase qui n'est pas passé inaperçue mais que la crise économique a en partie validé. C'est un fait, pour Philippe Quirion, chargé de recherche au Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement (CIRED), "le thème de l'écologie recule de manière générale du fait de la crise au niveau international".
Changer de modèle de développement
Et pourtant, les économistes à l'origine des nombreuses alternatives qui fleurissent face au manque d'imagination des candidats, placent en bonne position cette thématique. Philippe Quirion fait partie des "économistes atterrés", un collectif qui s'oppose au diktat néo-libéral de la logique économique actuelle. Il est notamment le co-auteur d'un chapitre sur les enjeux de la transformation écologique dans l'ouvrage "Changer d'économie!" (éditions Les liens qui libèrent).
Il faut selon eux sortir du modèle de la croissance verte qui se focalise trop sur la croissance du PIB, au détriment de la question sociale, des énergies renouvelables et des économies d'énergie notamment, et qui fait "le pari que l'économie capitaliste peut trouver en elle-même les ressorts de sa propre transformation". Philippe Quirion ne plonge pas pour autant dans le syndrome de la décroissance qu'il voit davantage comme une "provocation intéressante" mais peu productive…
L'idée est de montrer que "pour mener à bien la transition écologique nécessaire, il y a besoin de beaucoup d'investissements, ce qui et bon pour la croissance". Le livre blanc du SER avance le chiffre de 211 milliards de dollars d'investissements dans les énergies renouvelables dans le monde en 2010, un chiffre en hausse constante depuis 2004. (Ils étaient alors de 22 milliards de dollars). L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a toutefois prévenu que l'expansion dans le secteur a été beaucoup plus lente que prévu en raison de la crise.
Jean-Louis Bal, le président du SER, a de son côté montré les limites du modèle actuel, la filière photovoltaïque enregistrant la perte de 7.000 emplois sur 25.000 en 2011, en raison du moratoire de trois mois décidé en décembre 2010, et d'une instabilité du cadre juridique et tarifaire.
Le premier fabricant d'éoliennes, le danois Vestas, a d'autre part annoncé la suppression de 2.300 postes en 2012 dans le monde, soit près de 1.800 en Europe. Pas de quoi pavoiser donc.
"Cette transition énergétique vers une économie soutenable, basée sur les flux d'énergies renouvelables et non sur les stocks d'énergies fossiles et fissiles, est tout sauf aisée", préviennent Philippe Quirion, Jean-Marie Harribey et Gilles Rotillon dans "Changer d'économie !". Il faut pour cela réorienter l'économie "radicalement vers la qualité". Ils avancent pour cela sept propositions permettant de changer le modèle de développement qui ne feront certainement pas l'unanimité: promouvoir un développement soutenable de qualité, subordonner la politique de croissance à la qualité de la production, transition vers les économies d'énergie et les énergies renouvelable, réduction du temps de travail et des inégalités, fiscalité écologique... Pas sûr que tous les prétendants à l'Elysée viennent piocher dans cette boite à idée.
[Le SER a invité les principaux candidats à la présidentielle lors de son colloque annuel le 7 février prochain. L'occasion d'obtenir des engagements avant le premier tour sur la place des énergies renouvelables en France lors du prochain quinquennat. Avec le risque de les voir s'envoler au lendemain du second.]

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