mardi 13 mars 2012

Pour nourrir le monde

« l’agro-écologie surpasse l’agriculture industrielle à grande échelle », déclarait le rapporteur de l’ONU en 2010

Communiqué de presse 

BRUXELLES – « Les gouvernements et les agence internationales doivent stimuler de toute urgence les techniques agricoles écologiques afin d’accroître la production alimentaire et sauver le climat », a déclaré Olivier De Schutter, Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, au moment de présenter les conclusions d’un séminaire international sur l’agro-écologie organisé à Bruxelles les 21 et 22 juin 2010.

Soutenu par 25 experts mondiaux en agro-écologie, le Rapporteur de l’ONU a appelé la communauté internationale à repenser les politiques agricoles actuelles et à s’appuyer sur l’énorme potentiel qu’offre l’agro-écologie.

« Il y a un an, les chefs d’Etat réunis au G20 de L’Aquila se sont engagés à mobiliser 22 milliards de dollars en trois ans pour améliorer la sécurité alimentaire mondiale. Il s’agissait là d’une bonne nouvelle. Toutefois, dans le réinvestissement agricole, la question la plus urgente porte moins sur les montants que sur l’approche adoptée », analyse Olivier De Schutter. « Pour accroître la production alimentaire, les efforts se concentrent actuellement sur les investissements à grande échelle – y compris dans l’acquisition de terres à grande échelle – et sur des modèles agricoles de type ‘Révolution Verte’ : semences améliorées, fertilisants chimiques et recours aux machines. Peu d’attention a été accordée aux méthodes agroécologiques qui ont pourtant prouvé leur capacité à accroître la production et à améliorer les revenus des paysans tout en protégeant les sols, l’eau et le climat », constate l’expert de l’ONU.

La plus vaste étude jamais réalisée sur les approches agro-écologiques (Jules Pretty, Université d’Essex, R.-U.) s’est penchée sur 286 projets menés dans 57 pays en développement. Couvrant une surface totale de 37 millions d’hectares, elle démontre que le gain de rendement moyen des récoltes s’élève à 79% en recourant à ces approches écologiques. Celles-ci ont donné quantité de résultats positifs, notamment en Afrique.
« En Tanzanie, les provinces occidentales de Shinyanga et Tabora étaient autrefois appelées le ‘Désert de la Tanzanie’ », explique Olivier De Schutter. « Mais le recours aux techniques d’agroforesterie et la participation paysanne ont permis de réhabiliter 350.000 hectares de terres en à peine 20 ans. Les bénéfices par ménage ont augmenté de 500 USD par an. Des techniques similaires sont utilisées au Malawi. En 2005, près de 100.000 petits producteurs y ont bénéficié du recours à des arbres fertilisants. »

« Avec plus d’un milliard de personnes affamées sur terre, et face au défi climatique en cours, nous devons rapidement développer ces techniques agricoles durables », poursuit De Schutter. « Même si cela rend la tâche plus complexe, nous devons trouver le moyen de répondre en même temps à la faim, au changement climatique et à l’épuisement des ressources naturelles. Si nous ne le faisons pas, tous les efforts resteront vains. » Les experts réunis à Bruxelles ont identifié des politiques publiques à même de nourrir la planète en 2050 par le développement d’approches agro-écologiques. Leurs travaux se sont basés sur les expériences de pays ayant mis en place de telles politiques – comme le Brésil ou Cuba – ainsi que sur les activités menées par des centres de recherche internationaux (comme le Centre Mondial d’Agroforesterie de Naïrobi) ou par La Via Campesina, mouvement paysan international actif dans la mise en place de programmes axés sur l’agroécologie.

« Nous pouvons développer ces modèles d’agriculture durable et nous assurer qu’ils amélioreront le sort des paysans les plus pauvres », affirme le Rapporteur de l’ONU. « Tout ce qu’il faut pour cela, c’est la volonté politique. C’est elle qui permettra de faire passer ces projets pilotes au stade de politiques nationales. » Concluant son intervention, Olivier De Schutter a annoncé qu’il allait demander au Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale de travailler, durant sa session d’octobre, sur le développement des approches agro-écologiques. « C’est là la meilleure option que nous ayons aujourd’hui. Nous ne pouvons plus nous permettre de l’ignorer. »

FIN

Notes aux journalistes :

 Le séminaire international « La contribution des approches agro-écologiques dans la réponse aux besoins alimentaires mondiaux » s'est tenu à Bruxelles les 21 et 22 juin 2010. Organisé sous les auspices du mandat du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter, ce séminaire a réuni des experts en agroécologie, des décideurs nationaux et internationaux, ainsi que des représentants des organisations paysannes.

 Les approchesagro-écologiques incluent l'agroforesterie (arbres et cultures sur les mêmes parcelles de terre), le contrôle biologique (lutte contre les maladies et les indésirables par des prédateurs naturels), le stockage naturel de l'eau, les cultures intercalaires, l’utilisation de fumier biologique ou encore le mélange culture-bétail. Toutes ces techniques ont pour caractéristique commune le faible recours aux intrants externes.

 Selon un rapport duPNUE, l’adoption à grande échelle des techniques agricoles qui réduisent les émissions de carbone permettrait à l’agriculture mondiale d’être quasiment neutre en carbone d’ici 2030 tout en produisant suffisamment de nourriture pour les 9 milliards d’habitants attendus d'ici 2050.

 Dennis Garrity, directeur du Centre Mondial d'Agroforesterie (Nairobi), a évalué en juillet 2009 qu’une mise en oeuvre globale des méthodes d'agroforesterie pourrait se traduire par l’élimination de 50 milliards tonnes de dioxyde de carbone dans l'atmosphère – soit environ un tiers des objectifs mondiaux de réduction de carbone.

 L'agriculture modernecontribue très largement aux émissions de gaz à effet de serre. Elle compte actuellement pour 14% des émissions annuelles totales ; les changements dans l’utilisation des terres – y compris la déforestation pour l’expansion agricole – contribuent quant à eux à 19 % supplémentaires. Parmi les émissions agricoles directes, les engrais représentent 38% et le bétail de 31%. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les rendements de l'agriculture pluviale en Afrique australe pourraient diminuer de moitié entre 2000 et 2020, et 60 à 90 millions d'hectares supplémentaires de zones arides et semi-arides pourraient y voir le jour avant 2080.

Pour plus d’informations sur le travail du Rapporteur spécial, visitez
Le Haut-Commissariat des Nation Unies aux droits de l'homme

Contacts presse:
- Olivier De Schutter (Tél. +32.488.482004)
- Beatrice Quadranti (Tél: +41 22 917 9615) ou Elaine Ryan (Tél: +41 22 917 9697)
- Envoyez un courriel à srfood@ohchr.org.

Olivier De Schutter a été nommé Rapporteur Spécial sur le droit à l’alimentation en mai
2008 par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Il est indépendant de tout
gouvernement et de toute organisation.

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