Coupes budgétaires, marché du travail plus flexible : pour le
journaliste Guillaume Duval, les raisons du redressement économique de
l’Allemagne sont ailleurs.
« Made in Germany » de Guillaume Duval |
Pourquoi la France
a-t-elle décroché par rapport à l’Allemagne, en termes de compétitivité, de
croissance et d’emploi ?
On attribue généralement
le succès allemand aux réformes engagées en 2000 par le chancelier SPD
Gerhard Schröder, dans son « agenda 2010 » : flexibilisation du
marché du travail et coupes claires dans les dépenses publiques. C’est cet
effort, auquel se refuseraient les Français, qui serait payé de retour
aujourd’hui.
Le journaliste
d’Alternatives Economiques Guillaume Duval vient de signer chez Seuil un livre
très éclairant sur l’Allemagne, « Made in Germany », dans lequel il
remet frontalement en question ce diagnostic.
Tu as la conviction que le succès
allemand n’a rien n’a voir avec les réformes engagées par Schröder.
Explique-nous.
Guillaume Duval : Avec Schröder, c’est la
première fois que la gauche arrive vraiment au pouvoir en 140 ans. Il
engage des réformes importantes, notamment sur le marché du travail, et il
exerce une pression importante sur les dépenses publiques.
Mais le succès actuel
des Allemands n’a rien à voir avec ces efforts qu’ils se sont imposés. De
telles réformes, importantes, ont même plutôt à mes yeux fragilisé les points
forts traditionnels de l’économie allemande.
Guillaume Duval (Alternatives Economiques) |
Sur le coup d’abord, la
politique de Schröder s’est traduite par un recul très significatif du pouvoir
d’achat des salariés, qui commencent tout juste à s’en remettre, et par un
recul de l’emploi : quand Schröder quitte le pouvoir en 2005, il y a
5 millions de chômeurs. Par ailleurs, alors qu’il y avait autrefois moins
d’inégalités et de pauvreté qu’en France, il y en a plus aujourd’hui.
Certains considèrent que
ces inégalités et cette pauvreté ont été le prix à payer pour le redressement allemand.
Je ne pense pas que ce dernier ait quoi que ce soit à voir avec les réformes
Schröder. Selon moi, il est dû à trois facteurs qui préexistaient avant la
crise, et à trois autres qui ont joué un rôle pendant la crise.
Commençons par les trois facteurs hors-crise.
L’Allemagne
d’abord, a paradoxalement bénéficié de son déclin démographique. Les Français considèrent que c’est très bien
d’avoir plein de gamins, plein de jeunes, que c’est une richesse pour l’avenir
du pays. C’est sans doute vrai, mais dans l’immédiat, cela coûte très cher.
Quand on a des enfants, il faut les loger, les nourrir, les éduquer, leur payer
des téléphones portables...
Autant de dépenses
privées et publiques en plus que les Allemands n’ont pas eu à dépenser. C’est
une des raisons pour lesquelles les dépenses publiques ont été plus faibles et
c’est une des raisons qui ont facilité la modération salariale : quand on
n’a pas de gamins, on peut tolérer plus facilement une austérité salariale
prolongée.
La démographie a surtout
favorisé le maintien de prix immobiliers très modérés. Ils n’ont pas bougé
depuis quinze ans, et commencent juste à le faire depuis deux ou trois ans. En
France, les prix ont été multipliés par 2,5 dans le même temps. Cela se
comprend : la France a gagné 5 millions d’habitants depuis le début
des années 2000, quand l’Allemagne en a perdu 500 000.
Résultat :
alors que l’immobilier neuf valait en France 3 800 euros du m2 en 2011, il valait en Allemagne seulement
1 300 euros du m2 la même année. On
est dans un rapport de un à trois. Cela explique pourquoi les Allemands ont pu
accepter une austérité salariale prolongée.
La démographie en France et en Allemagne (Olivier Berruryer/LesCrises.fr) |
Deuxième
point, les conséquences de la chute du Mur. Les Allemands ont
l’habitude de se plaindre du coût que la réunification a représenté. Mais
l’Allemagne a été au bout du compte la grande gagnante de la chute du mur, car
elle a réintégré très rapidement et très fortement les pays d’Europe centrale
et orientale à son système productif.
Avant, le pays à bas
coût qui fournissait l’industrie allemande, c’était plutôt la France.
Maintenant, ce sont la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, la Pologne... La
différence, c’est que le coût du travail dans ces pays est cinq fois moindre
qu’en France. L’Allemagne, en réorientant sa sous-traitance vers ces pays, a
obtenu un gain de compétitivité-coût phénoménal pour son industrie.
La France n’aurait-elle pas pu faire de
même ?
Délocaliser
sans perdre sa base productive nationale n’est pas si simple. Ce qui est
intéressant, dans le cas allemand, c’est de comprendre pourquoi cela s’est bien
passé. La réponse à cette question est liée à la codétermination, un des trucs
auxquels Schröder n’a heureusement pas touché. Il a fallu négocier tout ce
processus avec les syndicats allemands, qui ont, dans les grandes entreprises,
beaucoup plus de pouvoir que les syndicats français. Les comités d’entreprise
ont un droit de veto sur toutes les grandes décisions et il y a, dans les
conseils d’administration, une moitié de représentants des salariés. Ils ont
donc négocié étroitement ces délocalisations et n’ont pas dit, comme Tchuruk [ex-patron
d’Alcatel, ndlr], « on va faire des entreprises sans usines ».
La
France l’a fait un tout petit peu, avec Dacia-Renault, en Roumanie. Mais on n’a
pas su le faire à grande échelle. On en discute maintenant avec le Maroc :
Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, parle de « colocalisation ».
Mais on n’en est pas du tout au même stade que les Allemands, et c’est un
inconvénient majeur pour l’industrie française.
Passons au troisième facteur hors-crise
Le
troisième facteur est bien connu, mais il a joué à fond pendant les années
2000 : c’est la spécialisation de l’Allemagne dans les biens d’équipement – les machines. Celle spécialisation a
correspondu à l’explosion de la nouvelle demande des pays émergents.
L’Allemagne, c’est 18% des emplois européens, mais 33% des emplois dans les
biens d’équipement européens.
Source : « Made in Germany » |
Mais la France est aussi championne dans
certains secteurs, je pense aux biens de luxe, qui rencontrent aussi une forte
demande dans les pays émergents, avec l’apparition d’une classe bourgeoise...
C’est vrai. Mais les
volumes concernés n’ont rien à voir. Quand la Chine devient l’usine du monde,
ce sont des machines allemandes qui sont implantées partout. Idem au Brésil et
en Inde... Quand Renault construit une usine à Tanger, ce sont aussi des
machines allemandes qui l’équipent. Les nouveaux riches achètent des sacs
Vuitton, c’est vrai, mais ils achètent aussi surtout des grosses voitures, et
des Mercedes ou des BMW, pas des Peugeot ou des Renault.
Donc, on voit bien que
ces trois facteurs puissants – démographie, sous-traitance en Europe centrale
et spécialisation – n’ont rien à voir avec les réformes Schröder.
Les atouts constatés pendant la crise, quels
sont-ils ?
Des voitures Audi et Volkswagen sur le port d’Emdem, dans le nord de l’Allemagne, en avril 2008 (Nigel Treblin/AP/SIPA) |
Les
Allemands ont profité de trois éléments. Le premier, c’est que les réformes Schröder n’ont pas fonctionné du tout !
Schröder était un admirateur de Blair et Clinton, il voulait rapprocher le
marché du travail du marché anglo-saxon, il voulait que ce soit plus facile
d’embaucher et de licencier, etc. Le fait est que le marché du travail n’a pas
été du tout flexible dans la crise.
L’Allemagne a connu une
récession de 5% en 2009, contre seulement 2,9% en France. Pourtant, nous avons
perdu 350 000 emplois et eux, zéro. Ils ont joué à plein sur la
flexibilité interne, le chômage partiel, sur les accords dans les entreprises,
etc. Ils n’ont pas utilisé les possibilités offertes par les réformes Schröder pour
licencier en cas de crise.
Cela a beaucoup aidé
l’économie allemande, en maintenant la demande. Les gens n’avaient pas peur de
se retrouver au chômage et donc ont continué à consommer. Et l’industrie
allemande a pu redémarrer très vite quand les commandes sont revenues : la
main-d’œuvre était là, prête à reprendre la production.
Deuxième
avantage : l’Allemagne a bénéficié de taux
d’intérêt extrêmement bas depuis 2009.
La France aussi...
Oui, mais dans des
proportions un peu plus faibles quand même. La crise des dettes souveraines en
Europe a été une bonne affaire pour l’Etat allemand. Si les taux étaient restés
aux niveaux de 2008, l’administration aurait dépensé 70 milliards d’euros
de plus en paiement d’intérêts.
Les Allemands pleurent
beaucoup sur l’aide apportée aux Grecs, aux Irlandais, aux Portugais, etc. Mais
pour l’instant, si on fait le compte, ils sont d’un côté engagés à hauteur de
55 milliards d’euros vers ces pays et ils ont économisé du fait de cette
crise 70 milliards d’euros de l’autre ! D’autant que ces
55 milliards d’euros ne sont pas des dons, mais des prêts qui rapportent
4% d’intérêts...
Ceux qui auraient des
raisons de se plaindre, ce sont les Italiens. Ils sont engagés à hauteur de
41 milliards d’euros, mais eux, ils empruntent à 6% pour prêter à 4%...
Les Allemands, eux, empruntent à quasiment zéro. Même si une partie de cet
argent ne sera pas remboursée.
L’Etat allemand n’est
pas le seul à avoir profité des taux d’intérêt très bas : les entreprises
et les ménages aussi.
L’Allemagne
a surtout profité de la seule bonne nouvelle qui a accompagné cette crise de la
zone euro, à savoir la baisse sensible de l’euro par rapport au
dollar.
Ce qui a
« nettoyé » l’industrie européenne, à l’exception de l’industrie allemande,
dans les années 2000, c’est d’abord la montée de l’euro par rapport au
dollar : il est passé de 0,9 à 1,6 en 2008. En 2000, le coût
d’un salarié de l’industrie française était de 14% inférieur à celui d’un
salarié de l’industrie américaine ; il était de 17% supérieur en
2010 ! Idem avec les Japonais ou même les Coréens. L’industrie française
en a énormément souffert, comme l’industrie italienne ou espagnole.
L’industrie allemande,
elle, a survécu, un exploit extraordinaire lié aux trois facteurs que j’ai
évoqués tout à l’heure. Et elle profite maintenant de la baisse de l’euro, qui
est revenu de 1,6 à 1,3 dollar.
L’excédent extérieur
allemand était de 170 milliards d’euros en 2007, mais il était fait aux
trois quarts dans la zone euro ; il était de 180 milliards l’an
dernier, mais aux trois quarts hors zone euro. Grâce à la baisse de l’euro, on
le voit, l’Allemagne a gagné davantage d’exportations supplémentaires en dehors
de la zone euro qu’elle n’en a perdu, du fait de la crise, à l’intérieur de la
zone.
Quel bilan ferais-tu des réformes de
Schröder ? Elles ont été neutres ? Négatives ?
Avec la pression qu’il a
exercée sur les dépenses publiques, il a fait prendre un retard important à
l’Allemagne sur des questions essentielles : la mise en place de crèches
ou d’écoles, par exemple. Merkel essaye aujourd’hui de rattraper ce retard.
Surtout, l’investissement public a souffert. L’Allemagne est un des seuls pays
de l’OCDE à connaître un désinvestissement public : cela signifie,
concrètement, que l’investissement ne compense pas l’usure des infrastructures
existantes. Ce ne sont pas des politiques que l’on peut mener durablement.
C’est un vrai problème pour le pays.
Quand on compare les dépenses publiques
françaises et allemandes, on observe un écart de 8 points de PIB.
Pourtant, on n’a pas l’impression d’une énorme différence en termes de
prestation...
Plusieurs raisons
expliquent la différence :
• la question démographique,
d’abord, que j’ai déjà évoquée ;
• on dépense par ailleurs plus pour le chômage en
France qu’en Allemagne, parce qu’on a plus de chômeurs ;
• ensuite, l’Allemagne est un pays fédéral,
géographiquement plus équilibré : chez nous, les dépenses publiques
servent beaucoup à compenser l’écart entre les déserts français et les zones
productives ;
• sur les dépenses de santé, il est
probable qu’il y ait moins de gaspillage en Allemagne : la France est l’un
des pays qui dépensent le plus pour la santé.
Le point sur lequel les
Allemands protègent moins leur population que nous, ce sont les retraites. Ils commencent
d’ailleurs à s’inquiéter des conséquences des réformes qu’ils ont faites. Ils
ont stabilisé leurs dépenses de retraites, malgré une poussée du nombre de
retraités, et ils entendent poursuivre cette stabilisation. Cela va se traduire
par une paupérisation massive des vieux.
Les dépenses publiques en France et en Allemagne (OCDE/Sénat) |
La ministre des Affaires
sociales a publié un rapport en septembre dernier qui établit qu’un salarié qui
gagne aujourd’hui 2 500 euros touchera en 2030 une retraite de
688 euros. Soit le niveau du minimum vieillesse en Allemagne ! C’est
un autre sérieux problème à venir.
Il y a actuellement des grèves salariales dans la métallurgie en
Allemagne. On évoque par ailleurs l’idée d’un salaire minimum... As-tu
l’impression que cela bouge un peu ?
Oui, cela bouge, mais le
risque c’est que ce mouvement soit déjà terminé. Les Allemands commencent à en
avoir marre des petits boulots mal payés : il y a 3 millions de
personnes qui travaillent pour moins de 6 euros de l’heure.
Par ailleurs, un
consensus se dessine sur l’idée de salaire minimum, même s’il y a des
divergences sur les modalités : le SPD veut un salaire minimum national
uniforme, les chrétiens-démocrates préfèreraient un salaire minimum fixé au
niveau des Länder ou des branches. Dans l’industrie, le syndicat IG Metall
demande des augmentations de salaires importantes. Idem dans les services...
Le problème, c’est que
la crise de la zone euro est en train d’atteindre l’Allemagne. Les perspectives
économiques pour cette année ne sont pas très souriantes : à peine
meilleures que pour la France. Le risque est donc que les Allemands se
remettent à se serrer la ceinture et à refaire de l’austérité.
Les Allemands sont-ils responsable de la crise
en Europe ?
La situation est
tragique de ce point de vue. Le comportement des Allemands et de leurs
dirigeants est parfaitement compréhensible. Ils ont beaucoup souffert avec
Schröder, en termes de pouvoir d’achat et d’emploi. Ils se disent – à tort
selon moi – que c’est grâce à cela qu’ils s’en sortent moins mal que les
autres. Dans ce contexte, ils considèrent évidemment qu’ils ne peuvent aider
les autres que si ceux-ci font les même efforts qu’eux – pour leur bien. Mais
si cette attitude est compréhensible, elle est parfaitement suicidaire sur le
plan européen.
La politique Schröder
aurait pu avoir des effets bien pires si, à l’époque, les Allemands n’avait pas
été les seuls à l’appliquer : heureusement qu’il y avait les autres pays
européens, y compris les Italiens, les Espagnols ou les Grecs, pour s’endetter
et acheter les produits allemands...
Si tout le monde
applique cette politique – ce qui est en train de se passer –, la demande
chute, le chômage explose et personne n’arrive à se désendetter dans un
contexte de récession. Et le risque aujourd’hui, est que cette situation mène à
l’explosion de l’euro et de la construction européenne.
Elle est, en tout cas,
contraire aux intérêts de l’économie allemande : une zone euro en
récession, ce sont en effet des débouchés en moins pour l’industrie. Et cela ne
peut pas non plus être dans l’intérêt des épargnants.
La situation conforte toutefois le leadership
politique des Allemands...
C’est plus un
emmerdement pour eux qu’autre chose. Ils ont le leadership, mais ils ne savent
pas quoi en faire. Ils sont comme une poule qui aurait trouvé un couteau. Ils
ne savent pas comment exercer ce leadership, notamment parce qu’ils sont
embarrassés par les traces de leur dernier leadership. C’est une partie du
problème d’aujourd’hui : une partie des Allemands pensent qu’ils auraient
moins de problèmes s’ils sortaient de l’euro.
A cela s’ajoute un
problème Merkel personnel. C’est quelqu’un qui est entré dans l’Union
européenne à 35 ans [après avoir vécu en Allemagne de l’Est, ndlr]. Elle
n’a découvert l’Europe occidentale qu’à travers des voyages officiels et des
sommets internationaux. Elle ne comprend rien à ce qui se passe en Europe.
Il semble pourtant qu’ils commencent à prendre
conscience que l’austérité ne fonctionne pas : en témoigne le délai accordé il y a quelques jours à
la France pour atteindre les 3% de déficit public...
Dans une partie des
élites, il y a une prise de conscience de l’impopularité de l’Allemagne. Tant
que c’était chez les Grecs ou les Espagnols, c’était supportable, mais le
développement d’un sentiment anti-allemand en France a été un choc. C’est, je
pense, ce qui les a décidés à mettre les pouces et à faire des concessions.
Est-ce que la crise européenne ne pourrait pas
se résoudre en laissant des chômeurs grecs ou espagnols aller travailler en
Allemagne, pays qui a une industrie solide et qui est victime d’une implosion
démographique ?
La tentation existe,
mais je pense que cela ne peut pas marcher. Je connais bien la théorie :
une zone monétaire est optimale si la main-d’œuvre peut bouger d’une région à
l’autre de cette zone.
Mais le
problème, c’est que la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal sont déjà en
situation de crise démographique. Ils ont peu de jeunes. Si les jeunes
qualifiés partent pour l’Allemagne, cela veut dire qu’il ne se passera plus
rien pendant 50 ans dans ces pays-là. On aura créé le Mezzogiorno puissance dix... L’Europe ne pourra
survivre à une telle situation que si les Allemands acceptent de payer pour
entretenir les gens qui seront restés en Grèce, en Italie, en Espagne ou au
Portugal. On n’en prend pas le chemin...
Ne peut-on pas imaginer que l’industrie
allemande fasse avec ces pays ce qu’elle a fait avec la Pologne, la Slovaquie
ou la République tchèque ?
La culture industrielle
n’est pas forcément la même en Allemagne et en Grèce et je vois mal les
industriels italiens accepter facilement de passer sous la coupe d’entreprises
allemandes. Avec l’Espagne, la question peut se poser davantage. Ils le font
déjà dans l’automobile.
Angela Merkel semble vouloir favoriser
l’activité des femmes, par la création de crèches par exemple : ce serait
une autre façon de réduire les conséquences du déclin démographique sur le
marché du travail.
Oui, sur le terrain de
la place des femmes dans l’économie, elle joue un rôle moteur. Schröder
lui-même avait favorisé l’arrivée des femmes sur le marché du travail, mais
sous des formes très inégalitaires, par le développement de temps très
partiels.
Un
Allemand travaille autant qu’un Français chaque semaine. Mais si un homme
allemand travaille une heure de plus qu’un homme français, une femme allemande
travaille trois heures de moins qu’une femme française. Et l’Allemagne est l’un
des pays où les écarts de
salaires sont les plus importants.
Si l’on avait à importer quelques éléments du
système allemand, quels devraient-ils être ?
J’en vois trois :
• le premier, c’est la décentralisation du
pays. L’Allemagne est un pays plus équilibré : on trouve des entreprises
qui exportent dans la moindre vallée perdue, ce qui n’est pas le cas chez nous.
Mais c’est l’élément le plus difficile à importer. Un changement
institutionnel, qui passerait par l’augmentation des budgets des régions, ne
suffirait pas ;
• deuxième chose dont on pourrait s’inspirer, c’est leur intérêt
pour l’écologie. C’est l’avenir qu’ils préparent ! Ils
ont fait plus d’efforts sur l’efficacité énergétique et sont plus avancés sur
les technologie. Nous ne devons pas louper les différents coches qui se
présentent ;
• la dernière chose à importer, la plus importante à mon avis, c’est
la gouvernance des entreprises, et notamment la codétermination.
On avait une occasion unique d’avancer sur ce terrain avec la loi sur l’emploi
et l’accord national interprofessionnel, mais on est en train de la rater.
Par ailleurs, il y a un
élément important de la gouvernance des entreprises dont on pourrait
s’inspirer. En Allemagne, il n’y a pas de PDG : il y a un président du
directoire et un président du conseil de surveillance. Ces deux chefs doivent
s’entendre pour les grands tournants stratégiques. Ainsi, si un jour un
président du directoire qui dirige une compagnie vendant de l’eau et des
services publics locaux s’ennuie, qu’il ne trouve pas cela rigolo et qu’il veut
acheter une major d’Hollywood et avoir un appartement à New York, eh bien il ne
pourra rien faire de tout cela [allusion à Jean-Marie Messier, ex-patron de
Vivendi, ndlr].
A travers ce système et
à travers le pouvoir donné aux salariés, il y a dans les entreprises allemandes
des systèmes de contre-pouvoirs que nous ne connaissons pas dans notre pays.
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